La communauté italienne




Femmes et enfants siciliens en Tunisie en avril 1900
Photo M. Reymond, extraite de "Voyage d'études en Tunisie" de R. Rey. Ed. Delagrave. 1900
(Coll. Ch. Attard)




La plupart des Italiens qui s’installèrent en Tunisie au XIXème siècle, venaient de Sicile, de Tripoli ou de la région de Naples où ils pouvaient difficilement nourrir leurs familles nombreuses. Ils avaient été précédés au XVIème siècle d'italiens originaires de Livourne qui furent principalement des commerçants, puis des réfugiés politiques.
Les vagues migratoires les plus fortes correspondirent à des conjonctures politiques favorables telles que, par exemple entre 1855 et 1857 celle découlant du " Pacte fondamental " et des réformes d’Ahmed Bey.
Le nombre des ressortissants italiens augmenta après 1870, date à laquelle il représentaient 15% des Européens, mais avec un faible capital culturel puisque l’on y comptait 60% d’illettrés. 
Il est difficile de lire les statistiques de ces époques souvent arrangées à des fins politiques mais en 1906, la communauté italienne pour le Contrôle civil de Sousse était de 4600 habitants.

Ne disposant en général que de très faibles revenus peu d'italiens accédèrent en Tunisie à la propriété de grands domaines. Ce fait ne contribua pas à asseoir les prétentions de l'Italie sur la Tunisie.
Souvent viticulteurs et sur de petites exploitations autour de Sousse, la baisse des prix du vin au début du XXème siècle ne contribua pas à leur richesse.
Leurs qualités de travail et leur sobriété faisaient que les travailleurs italiens étaient très appréciés de leurs employeurs, même s’ils étaient âpres au gain et parfois jugés  "vaniteux" du fait que les conventions de 1896 les mettaient théoriquement sur un pied d’égalité avec les Tunisiens et les Français. Ces conventions furent conclues à l’expiration des 28 années d’application du traité signé entre l’Italie et le bey le 8 septembre 1868.

Néanmoins les pêcheurs, artisans et ouvriers avaient souvent des conditions de vie inférieures à celles des Tunisiens, et vivaient dans des quartiers où la salubrité laissaient alors beaucoup à désirer.

A Sousse, c'est le quartier appelé Capace  (du nom de la ville sicilienne de Capaci, dont beaucoup étaient originaires). Aussi appelé Capaci Piccolo (le petit Capaci), c'était le quartier des pêcheurs et petits métiers autour de la Marine de Sousse. 

Plus tard, sur les hauteurs de la ville se constitua le quartier de Capace grande ou capaci grandi (le grand Capaci), appelé par certain le Trocadéro où s'installèrent ceux qui avaient un peu mieux réussi, les maçons, entrepreneurs et commerçants. 
Il n'existait pas de rivalités de classe entre ces deux quartiers qui savaient se retrouver pour toutes les occasions de grande fêtes chrétiennes ou autour de quelques parties de foot endiablées.

A Sousse, avant le Protectorat, la seule langue européenne parlée était l'italien. Ainsi pour se faire comprendre ou enseigner les sœurs de Saint-Joseph de l'apparition durent-elles parler italien.










Cependant on trouvait aussi parmi la communauté italienne une élite sociale fortunée et politisée  fréquentant parfois aussi les milieux de la franc-maçonnerie à l'image du grand Garibaldi qui vécut exilé en Tunisie.
A Sousse, la loge "Progrès" affiliée au Grand Orient d'Italie accueillait les plus actifs. 
Quelques familles  ayant souvent une charge consulaire ou des activités économiques prospères  tentaient d’encadrer l’ensemble de leurs ressortissants.

Ces personnes avaient un fort sentiment "d'italianité", aussi tentaient-elles de former au mieux l'ensemble de leurs compatriotes en créant un grand nombre d'œuvres de charité, d'organisations culturelles, sportives et sociales. Des écoles fortement soutenues par le gouvernement italien furent créées. Mais la rivalité constante des autorités italiennes et françaises fut un frein majeur au développement harmonieux de cette communauté. 




 





Mme NERINI et ses six enfants en 1925.
(Document Mme Marcelle Nérini)




Ceux qui optèrent pour la nationalité française, suite au décret du 8 novembre 1921, le firent surtout par opportunité car on leur faisait miroiter une amélioration des conditions sociales. Dans l’ensemble, cette communauté fut peu touchée par l’assimilation française, mais elle n’augmenta que faiblement.




Avec l’arrivée au pouvoir de Mussolini en Italie, la rivalité franco-italienne qui en résulta (la plupart des notables italiens de Tunisie étaient partisans de l’idéologie fasciste), provoqua une marginalisation professionnelle de toute la population italienne de Tunisie (des naturalisés comme des autres). 

La fin du deuxième conflit mondial marqua la fin de l’application de leur statut particulier hérité des conventions de 1896. 
L’école italienne
fut fermée, et on assista à une chute drastique du nombre des ressortissants italiens. 
Certains, ayant collaboré avec les troupes de l’Axe pendant l’occupation de la Tunisie par ces dernières en 1942/1943) furent expulsés en Italie. 
Ceux qui restèrent furent très nombreux à se faire naturaliser, beaucoup choisissant d’ailleurs la France comme pays d’accueil après l’indépendance de la Tunisie.


Benito Mussolini